Comme nous le rapportions hier, l’Afdel, le Syntec numérique et l’Inria ont écrit une lettre à la ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, pour lui demander de revenir sur la priorité aux logiciels libres votée par le Sénat dans le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, à propos des « services et des ressources pédagogiques numériques ».
La signature du PDG de l’Inria, Michel Cosnard, au côté de celles des présidents du Syntec numérique, Guy Mamou-Mani, et de l’Afdel Jamal Labed, a été vivement critiquée, notamment par l’Aful (Association francophone des utilisateurs de logiciels libres).
« De nombreuses startups Inria sont éditeurs de logiciels »
Via son compte Twitter (où il n’avait plus posté de messages depuis fin avril), Michel Cosnard a répondu, d’abord de façon générale le 5 juillet, puis hier directement à Laurent Séguin, président de l’Aful:
Vendredi 5 juillet 2013
#Inria est aux côtés des entreprises, au sein des pôles de compétitivité ou laboratoires communs, quel que soit leur modèle #licence
2. Je ne suis pas favorable à un article portant sur la politique d’achat du MESR dans une loi générale quelle que soit la nature de l’achat
3. Je ne comprends pas pourquoi on particularise l’achat de logiciels dans une loi générale sur l’#ESR #inria #opensource
4. De nombreuses startups #Inria sont éditeurs de logiciels. Notre politique n’est pas d’opposer, mais de garantir coexistence et diversité
5. Je préciserai ma position dans une interview à l’#AEF lundi 8 juillet #inria
Lundi 8 juillet 2013
@lcseguin Vos propos publics me choquent. Je les déments catégoriquement. Ma position est équilibrée, comme la politique #Inria #licence #LL
@lcseguin Je ne défends les intérêts privés de personne. Je ne me préoccupe que de l’intérêt général. #diversité #modèles #licences #LL
— Michel Cosnard (@MichelCosnard) July 8, 2013
La prise de position du président de l’Inria a entraîné la publication hier d’une lettre ouverte, « réponse des personnels de l’Inria à la lettre de leur PDG contre la priorité aux logiciels libres », adressée à la ministre de l’Enseignement supérieur et cosignée par 79 personnes
79 salariés de l’Inria demandent le respect des « principes d’indépendance et de neutralité »
Les signataires écrivent à Geneviève Fioraso, à propos de la lettre qu’elle a reçue:
« Cette lettre, signée de l’AFDEL et du Syntec Numérique, demande le retrait de la priorité aux logiciels libres dans l’article 6 du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous tenons à signaler que cette initiative n’a fait l’objet d’aucune concertation au sein de l’institut et nous sommes choqués par l’implication de notre institut à une telle action de lobbying.
Nous rappelons que l’INRIA a un rôle d’expertise pour le législateur et le gouvernement sur tous les aspects concernant les sciences et technologies du numérique, mais doit respecter les principes d’indépendance et de neutralité nécessaires à ce type d’expertises.
Nous nous interrogeons sur les motivations de notre P.D.G. à engager l’institut sur une telle prise de position sans même consulter nos instances. »
Par ailleurs, ni le gouvernement (qui avait fait retirer une mention similaire de priorité aux logiciels libres du projet de loi sur l’école) ni le Syntec numérique ou l’Afdel n’ont encore diffusé d’argumentation juridique détaillée sur les contentieux qu’engendrerait une priorité au logiciel libre dans la loi. A contrario, l’April a publié une analyse (PDF) « Préférence pour le logiciel libre et conformité avec le droit européen ».
Elle met notamment en avant une décision de la Cour constitutionnelle italienne du 23 mars 2010, qui portait précisément sur une loi privilégiant le logiciel libre et sa conformité (validée par la Cour) avec le droit de la concurrence.
Le projet de loi passe à l’Assemblée nationale ce mardi. On saura dans la journée de quel côté le gouvernement penche.